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Les avantages des technologies de gestion de la fatigue sont-ils suffisants pour contrebalancer les préoccupations des conducteurs en matière de protection de la vie privée?

Does the benefit of fatigue management technologies outweigh driver privacy concerns

par Rodolfo Giacoman, spécialiste du programme de gestion de la fatigue de la Commercial Vehicle Safety Alliance 

Les avantages des technologies de gestion de la fatigue sont-ils suffisants pour contrebalancer les préoccupations des conducteurs en matière de protection de la vie privée? Le responsable de la sécurité d’un grand transporteur routier m’a posé cette question lors d’un séminaire Web que j’ai animé le 9 juin, intitulé The Alertness Toolkit — A Motor Carrier's Guide to Fatigue Management Technologies (en anglais seulement – boîte à outils du conducteur vigilant — un guide des technologies de gestion de la fatigue adressé aux transporteurs routiers). Ma réponse aujourd’hui, comme à l’époque, est un oui catégorique. Les technologies de gestion de la fatigue sont efficaces pour prévenir les accidents liés à la fatigue, et nous savons que ces accidents sont généralement dangereux et souvent mortels. Le respect de la vie privée n’a que peu de valeur pour la personne morte dans un accident, surtout lorsque l’incident aurait pu être évité.

Cela ne signifie pas pour autant que la vie privée des conducteurs ne revêt aucune importance ou qu’elle ne doit pas être protégée. En tant que transporteur routier soucieux de la sécurité, vous devez connaître les types de technologies de gestion de la fatigue offertes et savoir lesquels soulèvent davantage de questions sur le plan juridique et de la protection de la vie privée. Poursuivez votre lecture pour savoir où trouver les principes et les meilleures pratiques en matière de confidentialité en lien avec l’intégration de technologies de gestion de la fatigue dans vos opérations dans le cadre d’un programme complet de gestion de la fatigue.

La mise en œuvre d’un programme complet de gestion de la fatigue permet de réduire les coûts médicaux et de maintien de la main-d’œuvre, de réduire le risque de responsabilité légale, de réduire le risque global d’accidents mortels, et de rendre la main-d’œuvre plus productive, plus heureuse et en meilleure santé.

Dans son rapport publié en 2020 intitulé « Review of Commercially Available Devices to Detect Fatigue and Distraction in Drivers » (évaluation des dispositifs de détection de la fatigue et de la distraction du conducteur offerts sur le marché), l’Institute for Road Safety Research de La Haye aux Pays-Bas a évalué une centaine de dispositifs de gestion de la fatigue selon huit critères :

  1. la pertinence;
  2. le caractère intrusif;
  3. la disponibilité;
  4. la robustesse;
  5. la durabilité;
  6. l’acceptabilité;
  7. le coût;
  8. la compatibilité avec d’autres dispositifs du véhicule ou d’autres appareils utilisés par le conducteur.

Les types de fonctions ou de dispositifs suivants ont été évalués : mesures de la fréquence cardiaque, indicateurs de hochement de tête, systèmes de caméras (avec ou sans vision artificielle et avec surveillance de la route ou du conducteur), moniteurs d’activité, modèles de fatigue, surveillance de la température, systèmes d’électroencéphalographie (EEG), tests de conductance de la peau, moniteurs de mouvement du volant, systèmes de détection des mouvements oculaires et du pourcentage de fermeture des paupières (PERCLOS).

Les dispositifs évalués peuvent être regroupés en trois catégories, chacune présentant un niveau différent de préoccupation en matière de protection de la vie privée :

  1. les tests d’aptitude à la conduite;
  2. les mesures de la performance au volant;
  3. les systèmes de surveillance du conducteur.

Niveau de préoccupation faible : les tests d’aptitude à la conduite

Ces tests permettent de déterminer si un conducteur est suffisamment éveillé avant de commencer à travailler. Bien que ces technologies de gestion de la fatigue n’assurent pas un suivi de l’état de fatigue du conducteur en temps réel et de manière continue, elles sont très bien acceptées, elles ont fait l’objet d’évaluations approfondies et elles sont associées à une rentabilité élevée.

Elles devraient demeurer encore longtemps sur le marché, car elles ne nécessitent pas d’entretien important, elles n’interfèrent pas avec la conduite, elles conviennent à la plupart des conducteurs et elles peuvent être utilisées en combinaison avec d’autres types de technologies de gestion de la fatigue. Voici toutefois leurs faiblesses : elles sont axées sur le début de la période de travail, elles ne détectent pas les risques liés à la conduite et elles ne signalent pas les moments de distraction au volant.

Les tests d’aptitude à la conduite peuvent évaluer divers types de signaux, notamment les réponses pupillaires, le temps de réaction, la précision, le temps de sommeil préalable, la consommation de caféine et le temps de conduite. Ces technologies sont associées à un niveau de préoccupation faible en matière de protection de la vie privée étant donné que les conducteurs ne sont pas surveillés pendant le cours de leur travail et qu’il n’y a pas d’équipement à porter ou à installer à l’intérieur du véhicule.

Niveau de préoccupation modéré : les mesures de la performance au volant

Les mesures de la performance au volant peuvent surveiller le freinage, le dépassement des lignes, les mouvements correctifs du volant ou la conduite irrégulière, les mouvements de l’accélérateur, la conduite à une vitesse inférieure à la limite, les changements de position à l’intérieur de la voie, etc. Si des écarts sont observés, ils pourraient être causés par l’état de fatigue ou de distraction du conducteur. Certaines des technologies qui assurent le suivi de ces mesures se trouvent maintenant dans l’ensemble des véhicules à quatre roues.

Ces technologies offrent l’avantage qu’elles prennent leurs mesures de manière moins intrusive que dans le cas des systèmes de surveillance du conducteur (voir la section suivante), qu’elles n’exigent pas le port de capteurs et qu’elles peuvent utiliser des capteurs internes dont le véhicule est déjà équipé. En revanche, leur point faible est qu’elles constituent la dernière ligne de défense puisque leur intervention n’a lieu qu’au stade le plus avancé de l’état de fatigue ou de distraction du conducteur.

Selon les conducteurs, ces technologies soulèvent un niveau de préoccupation modéré étant donné qu’elles sont axées sur la performance du véhicule et non directement sur celle du conducteur.

Niveau de préoccupation élevé : le suivi des participants

Ces technologies de gestion de la fatigue utilisent des capteurs pour recueillir des renseignements sur l’état de fatigue et de distraction du conducteur. Grâce aux renseignements recueillis, ces technologies déclenchent un avertissement lorsque le niveau estimé de fatigue ou de distraction dépasse un certain seuil. Ce type de technologies de gestion de la fatigue peut analyser des images du conducteur ou mesurer l’activité des ondes cérébrales alpha et thêta, la fréquence cardiaque, la force musculaire, les tremblements, la dilatation des pupilles, la durée de clignement, la vitesse de mouvement des paupières, les hochements de tête et les bâillements.

L’avantage de ces technologies est qu’elles peuvent surveiller l’état de fatigue et de distraction du conducteur en temps réel et prévoir les incidents avant qu’ils ne se produisent. Elles ont par contre le point faible qu’elles peuvent être trop intrusives et nécessiter le port d’équipement.

En ce qui a trait à la protection de la vie privée, ces technologies sont associées à un niveau de préoccupation élevé compte tenu de la surveillance continue et approfondie du conducteur pendant qu’il conduit ou est en service.

Préoccupations de certains conducteurs

Certains conducteurs peuvent s’être fait une fausse idée des technologies de gestion de la fatigue et croire qu’il s’agit d’outils de surveillance. Par conséquent, ils craignent que leurs moindres faits et gestes soient surveillés ou que l’ensemble des données recueillies à leur sujet puissent être vues par n’importe qui au sein de l’entreprise ou en dehors de celle-ci. Les conducteurs ne savent pas qui a accès à leurs données personnelles et s’inquiètent, à juste titre, des possibles conséquences négatives de l’utilisation des données recueillies.

Absence de lois explicites sur la protection de la vie privée

À l’heure actuelle, la démarche la plus importante en matière de réglementation de la confidentialité des données a été l’adoption par l’Union européenne du règlement général sur la protection des données (RGPD), qui est entré en vigueur le 25 mai 2018. Cependant, le RGPD ne s’applique qu’aux résidents et citoyens de l’Union européenne. Bien que les États-Unis ne disposent pas encore d’une réglementation fédérale équivalente, certains États, comme la Californie et l’Illinois, ont adopté des lois qui protègent certains droits en matière de confidentialité des données, mais elles ne visent pas explicitement la collecte de données à l’intérieur des véhicules.

Les principes de protection de la vie privée

Bon nombre des plus grands constructeurs automobiles ont signé la politique intitulée Automotive Consumer Privacy Protection Principles (principes de protection de la vie privée des consommateurs) qui a été élaborée en novembre 2014 par l’Alliance of Automobile Manufacturers et l’Association of Global Automakers, puis révisée en mai 2018 et en mars 2022.

Si cette politique est facultative et n’entraîne pas la responsabilité des constructeurs automobiles en cas d’atteintes à la vie privée, elle constitue toutefois un bon guide de départ pour les transporteurs routiers et les fournisseurs de technologies de gestion de la fatigue. Voici les sept principes auxquels ont choisi d’adhérer les 20 membres signataires :

Les meilleures pratiques en matière de technologies de gestion de la fatigue

Le module 10 du Programme nord-américain de gestion de la fatigue (PNAGF) présente une excellente vue d’ensemble des technologies de gestion de la fatigue et des différentes catégories, fournit de nombreuses définitions et aide à mieux comprendre les diverses options. Le PNAGF explore les points suivants au sujet de la mise en œuvre de ces technologies :

Pour en savoir davantage sur les protocoles opérationnels, les questions fondamentales et l’évaluation de ces technologies, consultez le module 10 ou visionnez l’enregistrement du séminaire Web The Alertness Toolkit (en anglais seulement). Le programme complet de gestion de la fatigue d’une entreprise doit intégrer les technologies de gestion de la fatigue conjointement à la mise en place d’une culture de la sécurité, d’un programme de gestion des risques liés à la fatigue, d’un programme de gestion des troubles du sommeil, et à de la sensibilisation et de la formation en matière de gestion de la fatigue. Le PNAGF recommande de tirer pleinement parti des fonctions des technologies de gestion de la fatigue; d’élaborer des protocoles bien définis sur leur utilisation; d’expliquer ouvertement le rôle de ces technologies aux conducteurs; de créer des attentes utiles pour les conducteurs; de fournir aux conducteurs des commentaires réguliers et détaillés; d’adopter une attitude positive envers les technologies de gestion de la fatigue; et de souligner l’idée que la sécurité est la responsabilité de chacun.

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